Les Aventures Extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec
"A la fin de chaque épisode, je cite le titre du prochain, mais je ne sais
pas du tout de quoi il s'agira. A moi d'inventer après une histoire."
Propos de Tardi recueillis par M. Pralong pour Le Matin
du 21 décembre 1996
Créée en 1976, Adèle
Blanc-Sec, effraie d’abord par un univers d’épouvante qui
rappelle Howard P. Lovecraft. Sans que l’atmosphère en soit rendue
moins angoissante, Tardi surprend dans un second temps par l’humour
qui irrigue tous les épisodes de cette série. Il s’agit
là de sa série la plus importante en nombre d’albums et
de celle qui l’a rendu célèbre. Il s’agit également
d’une partie très particulière de son oeuvre, car entièrement
personnelle, du dessin au scénario et aux dialogues.
Adèle
Blanc-Sec, feuilletoniste parisienne des années folles dotée
d’un flegme très masculin, choisit en général ses
fréquentations parmi les savants fous, les momies, les sectes, les
gargouilles, les limules (à vos dictionnaires) ou les démons,
mais s’en étonne relativement peu. Ce qui l’étonne
d’avantage, c’est qu’on puisse trouver son chapeau ridicule
ou qu’on puisse ne pas avoir peur du dentiste.
Lorsqu'elle
entre en scène
dans le premier volume ("Adèle et la Bête"), elle apparaît
comme une sorte d'aventurière qui a, de toute évidence, côtoyé
le monde de la pègre et des
malfrats. On comprendra bientôt qu'elle est en fait romancière,
spécialisée dans les romans-feuilletons populaires où
elle met en scène ses propres aventures.
Personnage
relativement actif dans les premiers épisodes, quand elle traque le
ptérodactyle ("Adèle et la Bête"), combat la
secte des adorateurs de Pazuzu ("Le Démon de la Tour Eiffel")
ou déjoue les expériences scientifiques perverses ("Le
Savant Fou"), Adèle prend de plus en plus de distance au fil de
la série, jusqu'à devenir davantage un témoin qu'un protagoniste
de l'action.
L'album
charnière, de ce point de vue, est "Le Secret de la Salamandre"
qui se déroule de bout en bout sans qu'Adèle, plongée
en hibernation après avoir été miraculeusement arrachée
de la mort à la fin de "Momies en Folie", soit physiquement
présente. Ce détachement s'accentue dans les albums suivants,
comme l'expression d'une indifférence nourrie d'une lucidité
désabusée quant à ce que l'on peut espérer du
genre humain.
Seul l'appel
d'une curiosité certaine, de loin en loin, semble encore capable de
mouvoir et d'émouvoir l'insaisissable et mystérieuse Adèle
Blanc-Sec.
